Saint Jean Baptiste, notre précurseur
par

« Celui auquel vous pensez, ce n’est pas moi ! ». Pour Jean baptiste, tout avait commencé dans le silence du désert, pour s’achever enfin dans un autre silence, le silence de l’effacement. S’il était né d’une femme pourtant réputée stérile, s’il avait parcouru, durant de longues années, les solitudes arides du désert, s’il avait proclamé un baptême de conversion aux foules qui étaient venues le rejoindre au bord du Jourdain, ce n’était pas pour lui-même, ce n’était pas de lui-même.
La vie de Jean, de sa naissance jusqu’à sa mort, était tout orientée vers la venue d’un Autre, elle ne pouvait prendre véritablement sens que dans cet Autre.

Dès sa naissance, l’enfant de Zacharie et d’Elisabeth s’était trouvé en effet marqué par le sceau d’une attente secrète, d’un profond mystère. « Que sera donc cet enfant, ». Les foules étaient venues, Jean avait réussi à les attirer dans les lieux les plus inhospitaliers, dans ces halliers du Jourdain où nul n’osait habituellement s’aventurer, par crainte des bandits. Là, il avait baptisé, sermonné, converti les plus durs des pécheurs. L’attente de Jean étaitdevenuecelle d’un peuple, puissante, profonde, invincible. Au cœur d’un monde vautré dans son péché, il avait faitrésonnerl’appel de Dieu. Jean avait rempli sa mission. Mais Dieu serait-il au rendez-vous ?
Les dernières paroles de Jean Baptiste rapportées par les Evangiles nous laissent pourtant perplexes. « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». Pour jean, il ne s’agissait pas seulement de s’informer de l’accomplissement d’une prophétie, de la réalisation d’une promesse. C’était sa vie elle-même qui était suspendue aux lèvres de cet Autre, à la venue de cet Autre. Sinon, ne pourrait-il dire à son tour, reprenant la plainte du prophète Isaïe : « je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. » Au seuil de la mort, jean ne venait-il pas d’être dépouillé de sa propre attente ?
Le mystère de notre destin, de chacune de nos existences, ne se trouve -t-il pas comme résumé dans l’étonnante aventure du prophète Jean Baptiste, le Précurseur ? Le Précurseur de Jésus, certes, mais peut-être aussi le nôtre ? Ce passage d’un silence à un autre silence, d’un désert à un autre désert, d’une attente à une autre attente, n’est-il pas en effet le nôtre ?
Ce passage ne s’accompagne-t-il pas,pour nous aussi, de ce sentiment d’avoir travaillé en vain, d’avoir usé notre vie pour rien ? face au mystère de Dieu, au mystère de la vie, ne sommes pas aussi désemparés et démunis que le Précurseur, dépouillés de notre propre attente ?
S’il a précédé Jésus, celui qui devait venir, Jean le Baptiste précède aussi chacun d’entre nous sur les chemins de la découverte du mystère de Jésus. Un mystère qui se creuse par-delà toutes nos attentes et nos déceptions, parce que jésus est toujours au-delà de ce que nous pourrions imaginer. Et s’il nous faut le chercher, comme jean, il nous faut aussi accepter de perdre pied face à l’insondable mystère de jésus. Accepter, comme Jean, de voir nos attentes déçues, pour pouvoir accueillir enfin, comme lui, celui qui doit venir.
Dom Guillaume JEDRZEJCZAK
Abbé du monastère du Mont-Des-Cats