PÂQUES et la Vie Nouvelle. 2
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« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ! » C’est-à-dire un peuple qui marche à tâtons, sans repères précis, sans les acquis de l’expérience, et en fin de compte sans identité. C’est vrai pour tous les peuples. C’est tout aussi vrai pour le Peuple de Dieu, s’il perd la mémoire de ce qu’il est, de sa foi, et de sa mission dans le monde ...
Avant le Covid19 il y avait déjà beaucoup d’incertitudes. Et ces incertitudes représentaient l’essentiel de nos préoccupations de ce moment là. Il n’y pas bien longtemps. A peine deux mois sont passés. Il serait bon que chacun de nous fasse l’effort de se rappeler quelles étaient ses préoccupations majeures d’alors. Et pour tous ceux qui travaillons dans l’Église, au service d’associations, ou dans la cité, quels étaient alors les projets, à court, moyen ou long terme, qui occupaient notre esprit .
Et pour tous : il y a deux mois, quelles étaient nos attentes, nos espoirs, et dans quels domaines ? Faire cet effort de mémoire, tout simple, serait fort utile. Personnellement, en couple ou en famille, faisons-le. Avoir une parole sur ces souvenirs-là qu’il ne s’agit nullement d’enfouir, et mieux encore une parole partagée à plusieurs, entre proches, puisque la plupart d’entre nous disposent de plus « de temps », nous fera beaucoup de bien.
Habiter le temps, ce temps qui nous est donné, c’est bien autre chose que d’ajouter sans cesse de nouvelles activités à des activités qui saturaient, si souvent, nos agendas. Les équipes ACI [1] ont partagé longuement l’an dernier sur notre manière de vivre ce temps qu’il nous est donné de vivre, et autour de quelles priorités nous l’organisons. L’expérience non choisie du confinement généralisé nous aura-t-elle réconcilié avec notre rapport au temps ? Le temps d’être avec soi-même, le temps d’être – même autrement – avec les autres ? Et avec Dieu ?
Faire mémoire. C’est ce que nous avons fait à Pâques. Pour ne pas oublier que la Passion que Dieu éprouve pour l’homme, est toujours aussi actuelle. La fête de Pâques, celle des Juifs et celle des Chrétiens, revient tous les ans, pour que nous ne perdions pas la mémoire : celle d’où nous venons, celle de nos aspirations, celle de nos erreurs et de nos péchés, celle de l’action permanente de notre Dieu et Père, qui ouvre toujours à notre humanité de nouveaux chemins d’espérance.
Ainsi, faire mémoire, pour nous chrétiens, c’est aussi nous rappeler ce qui est au centre de notre mission : être des serviteurs vivants et joyeux de cette Espérance qui nous habite et dont l’humanité, si prompte à perdre la mémoire (…) aura toujours besoin. Dans les temps prochains qui arrivent aussi !
Les disciples eux-mêmes avaient oublié que Jésus devait mourir et ressusciter. Fuyant au moment du procès du Maître, et enfermés dans leur peur après sa mort. La résurrection ? Thomas n’arrivait pas à y croire (Evangile de ce dimanche). Les disciples d’Emmaüs avaient jeté l’éponge et restaient prisonniers de leur tristesse (Lc, 24, 13-35). Tous bien loin de la mission attendue d’eux...
Gardons la mémoire de Pâques. Depuis la libération d’Egypte, et jusqu’à la résurrection de Jésus, la fête de Pâques nous dit l’essentiel de notre vocation : nous sommes faits pour vivre ! Mais la vie sans mémoire, très vite peut devenir fragile. Ainsi en est-il de toute vie prétendant se construire de par ses propres forces, sans tous les autres, et sans Dieu.
Père Bernard Quintard
[1] L’ACI : Un mouvement de laïcs pour réfléchir à la manière de vivre notre foi, tous les jours, dans un monde en permanente évolution.