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Peyre et son église troglodyte
Article mis en ligne le 10 mai 2021
dernière modification le 23 novembre 2020

par Marie-Lucile Faye

Accrochée à la falaise du village qu’elle domine, la vieille église de Peyre, seule chapelle troglodyte de l’Aveyron, a encore fière allure. Par son évolution à travers les siècles, elle témoigne de notre Histoire. Entretien avec Clément Régi, peyrelin passionné par l’Histoire de son village.

Peyre avant Peyre

En ce lieu, à l’ère quaternaire, dévalait une cascade de cinq cents mètres le long des rochers, favorisant la formation de tuf. Des traces de dinosaures datant de 200 millions d’années y ont été découvertes et vers 350 000 an avant Jésus-Christ, l’endroit semblait habité par une faune abondante : rhinocéros, panthères, ours, hyènes, mammouths...
Une grotte mise à jour en 1955 (spéléo club St affricain) permet de penser qu’un habitat temporaire gallo-romain était installé comme en témoignent les clous et débris de poterie venant vraisemblablement des ateliers de la Graufesenque. Alors, la présence de l’homme apparaît avec un important mobilier de bronze provenant de sépultures. - Peyre
A l’arrivée des hommes, des croyances se mettent en place. Confortées par la topographie du site orienté sud sud-est, elles favorisent un parcours généreux du soleil probablement propice aux cultes païens. Les nombreuses sources qui jaillissent privilégient aussi ces cultes.
Après l’occupation des Celtes, avec la construction de l’église, le culte chrétien ne fit que se substituer à un culte où le Dieu unique détrôna les matronae, déesses des eaux-mères.
Les Celtes ont laissé pour trace de leur passage des noms de personnes ou de lieux : Galtier, Soulobres, Brocuéjouls...

L’église troglodyte

« Le village de Peyre autrefois appelé Saint Christofol de Pèira attire l’attention par la singularité de sa position. Au lieu de s’étendre dans la vallée, il est appliqué comme un nid d’hirondelles au flanc d’un immense rocher coupé à pic dominant la rivière sur un terrain tellement en pente que les maisons semblent perchées les unes sur les autres. Le choix de cet emplacement fut certainement motivé par des idées de sécurité et de défense. » 1
A l’origine, l’église rupestre était une baume orientée est-ouest, de base romane ; elle a permis la mise en place de l’édifice actuel. Entre le IVè et le VIIIè siècle, la région se christianise sous l’occupation mérovingienne, comme en témoignent certaines pierres. Peyre eut donc sa propre église dès le VIIIè siècle.
« En devenant église, elle s’est faite forteresse dédiée à saint Christophe. Elle a la particularité d’avoir été construite sur l’emplacement d’un temple gallo-romain dédié à une source qui coule sous ses pieds et elle présente un système défensif qui a pris le meilleur parti des anfractuosités du rocher. » 2
Le site de Peyre apparaît avec son toponyme latin dans une charte du Cartulaire3 de Vabres en 868 le 17 avril, sous le règne de Charles le Chauve.
La Comtesse de Toulouse et son fils Bernard donnèrent au monastère de Vabres une villa, vingt-deux mas et divers biens dont une vigne sise « ad Petra super fluvium Tarnis » .(à Peyre au-dessus du fleuve Tarn). Il n’est pas encore question d’habitants mais sans doute ceux de Peyre firent-ils partie des meubles.
« Petra en latin signifie pierre d’où le nom Pèira en occitan. C’est sans doute la falaise qui domine le village qui lui a donné son nom ; référence faite à la ville de Petra en Jordanie, située au pied d’une falaise et appelée ainsi au temps des Romains. » 4
Le vieille église fut baptisée du nom de son saint patron dont une relique fut certainement apportée d’Espagne par les Croisés Rouergats au Xè siècle. C’est à Tolède puis à Valence que la dévotion à saint Christophe prit son essor. Étymologiquement, saint Christophe porte le Christ pour traverser un torrent. Trouvant l’enfant très lourd, celui-ci lui dit qu’il était le créateur et qu’il portait le poids du monde. Il devint le protecteur des voyageurs.
Poussés par la Foi populaire, on vient de toute la contrée et surtout de Millau porter les enfants faibles et chétifs pour demander à Dieu l’intercession de saint Christophe. Les nombreux dons des pèlerins permettront de restaurer l’église qui évoluera à travers les âges.
Aujourd’hui l’église troglodyte attire de nombreux visiteurs pour l’originalité de sa construction. Son cadre exceptionnel valorise les diverses expositions présentées.

Les prieurs de Peyre

Peyre devint le siège d’un prieuré et en 1164 Raymond de Cornus en est nommé prieur. Plusieurs se sont succédé dont le nom est inscrit au-dessus du portail de la vieille église. L’abbé Boscary, prieur en 1609 fit reconstruire l’église au goût du jour avec un portail diamanté à la mode italienne.
Le prieuré échut à Antoine Peyrot en 1730 et ce dernier le fit transformer également à la mode italienne. Pour convertir les protestants au catholicisme, il fit réaliser une façade en stuc (encore visible de nos jours) avec des rideaux rouges pour le théâtre.
En 1781, l’abbé Fabre nommé prieur traversa la Révolution caché par ses paroissiens.
Plus tard, l’abbé Souques habita le prieuré où il mourut subitement à Peyre le 30 octobre 1900.
Avant les guerres de Religion, la paroisse de Peyre comptait trois prêtres, trois autels, trois cloches, soixante communiants et vingt-cinq maisons.

Guerres de religions

L’ère des guerres, autant civiles que religieuses, bouleversèrent le pays. Peyre est occupé par les protestants millavois mais la paroisse reste catholique. Le compoix5 et les titres de l’église sont brûlés, quelques maisons incendiées et les habitants malmenés. Millau, citadelle du calvinisme lançait à tout instant ses soldats sur les villages voisins fortifiés, tour à tour assiégés puis repris. Mais Peyre demeure toujours catholique.
Par ses éléments défensifs, l’église de Peyre témoigne du climat d’insécurité qui régnait sur les rives du Tarn. La partie supérieure, uniquement réservée à la défense était accessible par une porte située en hauteur. L’escalier actuel paraît modifié ; il est probable qu’une simple échelle permettait jadis aux habitants d’atteindre leur précieux refuge. En cas d’attaque, les Peyrelins pouvaient s’y protéger par un système de communication de maison à maison. En conséquence, la construction de mirandes, en occitan miranda (tours de guet) a été rendue nécessaire.
Sous la Révolution française, le pèlerinage décline et tombe dans l’oubli.
L’église troglodyte, désacralisée en 1872, fut vendu le 23 juin de la même année à des particuliers. Elle deviendra une cave à vin et plus tard, elle sera cédée à la communauté de communes de Millau. Le produit de la vente sera utilisé pour construire une nouvelle église. C’est à l’instigation de l’abbé François-Joseph Vivier, curé de Peyre, que démarre en 1860 sa construction qui s’achèvera en 1894. L’État en payera une partie et les paroissiens le restant.
A la même époque, s’installent à Peyre les Capucins de Millau pour y établir leur maison de campagne.
Cette nouvelle église, avec des boiseries et un autel sculpté possède une remarquable rosace qui illumine le chœur et représente un imposant saint Christophe.
Encore de nos jours, la traditionnelle fête de saint Christophe se perpétue le dernier dimanche de juillet, où, après le messe, paroissiens et touristes se mêlent sur le parvis de l’église pour recevoir la bénédiction du prêtre. La cérémonie terminée, les personnes présentes se retrouvent pour partager un moment de convivialité.
Pour la petite histoire : livre Al cantou Pèira
« Le sanctuaire, de même que le reste de l’église est appuyé contre le rocher qui sert de muraille et de voûte pour la plus grande partie. Il est blanchi, les vitres et les fenêtres sont en état. Il y a une place distinguée pour le curé. Comme il coule souvent de l’eau du rocher après qu’il a plu, on a été obligé d’avancer l’autel, et par là de reculer le balustre du sanctuaire de sorte que le banc du seigneur s’y trouve aujourd’hui renfermé. Le saint curé nous a dit qu’il lui était arrivé qu’il était tombé des gouttes d’eau dans le calice pendant qu’il célébrait la sainte la messe, et que cette église, par sa grande humidité et fraîcheur, était extrêmement mal saine, et avait il y a deux ans, causé la mort à un de ses paroissiens qui était rentré en sueur et rendu un autre aveugle. Nous avons exhorté le peuple à pratiquer la vertu et fuir le vice, et, en particulier à éviter ces danses scandaleuses qui se font le lendemain de la fête du patron de cette paroisse... »

Mimi Boulouis et Marie-Lucile Faye