Stop ! on ne passe pas. On ne saute pas allègrement au-dessus de l’abîme. Oh, certes, pas l’abîme qui sépare la mort de la vie, non. Le riche conçoit, tout naturellement, que Lazare, déjà mort, puisse revenir chez les vivants pour prévenir son monde du péril encouru : convertissez-vous, ou ça va chauffer ! Ça communique entre morts et vifs. C’est un tout autre abîme qui semble infranchissable : celui qui sépare le riche et le pauvre, le maudit et le béni. Un abîme qui concerne les morts, qui sépare les cieux, où reposent les justes, de l’enfer où sont tourmentés les damnés. Abraham, en tous cas, ne peut le traverser, malgré les cris du riche, ni dans un sens, ni dans l’autre.
« Prends pitié de moi ! » Jésus lui aussi entend ce cri, et comme pour Abraham, ses entrailles en frémissent. Peux-tu franchir, Jésus, ce fossé terrible qui fige l’homme dans le piège de son péché ? N’es-tu pas plus puissant que notre père Abraham ? Je le crois, toi qui es descendu aux enfers pour en libérer tous les captifs.
Alors continue de crier, toi le riche, et repends-toi de ton aveuglement et de ton manque de charité. Il vient, celui que le sein d’Abraham ne peut contenir. Il passe, celui qu’aucun abîme ne pourra arrêter. Continue de crier : « miséricorde ! » pour toi et pour tes frères, et si tu veux, je te prêterai ma voix, pour se joindre à la tienne.
« Miséricorde ! » Car rien n’est impossible à Dieu.